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Away : Critique du lauréat Contrechamp d’Annecy 2019
18 juin 2019

Il semblait destiné aux Enfants de la mer mais le jury de cette toute première section Contrechamp du Festival d’Annecy en aura décidé autrement : le lauréat de la catégorie est Away, premier long-métrage de Gints Zilbalodis, un jeune réalisateur Letton de 25 ans.

En amont de cette édition du Festival, Marcel Jean présentait la section Contrechamp comme une sorte d’équivalent au Un Certain Regard cannois. L’idée était de rendre compétitive une catégorie dédiée aux films « plus exigeants », pour peu que cette notion ait un sens. S’il avait été présenté les années précédentes, un film tel que Away aurait très certainement été relégué hors compétition : réalisé seul par un jeune cinéaste inconnu, narré sans le moindre dialogue et paré d’une identité visuelle désuète, le film a en effet tout pour diviser. À défaut d’avoir su s’attirer les faveurs du public – en attestent les nombreuses réactions perplexes récoltées au gré de nos pérégrinations annéciennes – le long-métrage aura donc su convaincre Jinko Gotoh, Anja Kofmel et Gerben Schermer de ses évidentes qualités.

critique away gints zilbalodis

Ceux qui auront pris le temps de découvrir ses courts-métrages avant de voir Away – et ils sont assurément très peu, ne seront pas surpris par ses charmes. De la même manière que son prochain long-métrage sera une adaptation de l’un de ses courts, Away semble être une synthèse de toutes ses expérimentations passées. S’y mêlent ainsi son attention portée sur la lumière (Rush), la simplicité des formes (Aqua) ou son amour du plan-séquence (Priorities, qui mettait déjà en scène la tentative de survie d’un rescapé). Son postulat d’une exploration d’étendues désertiques, côtoyant la présence d’une mystérieuse et gigantesque silhouette sombre, convoque en plus ici les influences manifestes de jeux vidéo tels que Journey ou Shadow of the Colossus. Mais plus que certains échos à leur mythologie, c’est bien l’épure générale et pleinement assumée d’Away qui rapproche l’ambiance du film des expériences vidéoludiques citées plus tôt. Une épure des formes, des sons (le film contient peu de bruitages), des musiques (des morceaux quasi organiques composés par Zilbalodis), des textures, des détails (le visage du protagoniste est à peine dessiné) qui ne semblent avoir qu’une intention, celle de pousser le spectateur à la contemplation et à l’immersion dans une aventure ouvertement allégorique.

Le jeune réalisateur assume clairement son manque de moyens et en fait justement sa force : parce que sa forme même confine à l’abstraction, Away est de ces films dont le sens réside dans l’expérience qu’ils procurent. La recherche d’une quelconque signification y est secondaire et d’ailleurs pas si problématique, dans la mesure où l’argument d’Away est à l’évidence celui d’un récit initiatique, archétypal, sa construction en chapitres se faisant écho des différentes étapes de l’évolution du personnage… autant que de celle du réalisateur lui-même. Zilbalodis confie ainsi que cette segmentation lui a permis de passer en douceur au format long-métrage, apportant au passage de l’eau au moulin de mon interprétation du film. Si chacun a déjà sa théorie sur le sujet, difficile de ne pas voir en Away le propre parcours du cinéaste autodidacte : lâché seul au milieu d’un désert (celui du film encore à l’état d’idée), d’abord confronté à la Peur (l’ampleur du projet, incarnée par cette énorme silhouette sombre) avant de la fuir ou d’y succomber, qui apprend à voler de ses propres ailes, qui lutte contre la paresse ou le confort (les chats), puis qui escalade la dernière montagne qui précédera le lâcher prise jusqu’à l’aboutissement de l’aventure… Mais encore une fois, donner corps et mots à une expérience sensorielle ne fera qu’en atténuer la portée. Par ses images parfois mémorables (la traversée du lac miroir, l’avalanche finale…), sa caméra flottante nous promenant dans ce monde éthéré par la grâce de ses plans-séquences (le réalisateur cite rien de moins que Soy Cuba comme influence, on a connu influence moins écrasante) Away invite avant tout le spectateur au lâcher-prise que seuls quelques problèmes de rythme viendront freiner.

critique away

Vous l’aurez compris, Away est une invitation suffisamment rare pour être déclinée et restera comme l’une des séances les plus plaisantes de cette édition du Festival d’Annecy.

AnimationAwayFestival d'Annecy 2019Gints ZilbalodisLettonie
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Critique

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Guillaume Lasvigne
Créateur d'Anima sur YouTube, émission dans laquelle j'aime explorer les rapports entre les thématiques d'une oeuvre et les moyens de les traiter par la mise en scène.

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    Guillaume
    JehrosGuillaume@Jehros·
    jeudi février 27th, 2020

    Après Ori, Dead Cells ou encore Hollow Knight, Children of Morta rejoint la liste de ces titres indé m'ayant procuré les meilleures expériences de jeu ces dernières années. Gros coup de cœur pour ce roguelite aussi beau qu'exaltant.

    Reply on Twitter 1233120132257472515Retweet on Twitter 12331201322574725151Like on Twitter 12331201322574725152Twitter 1233120132257472515
    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    J'avais envie de jouir des yeux, du coup j'ai repris Windy Tales.

    4
    Reply on Twitter 1232731064650608646Retweet on Twitter 12327310646506086461Like on Twitter 123273106465060864611Twitter 1232731064650608646
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    arretsurimagesArrêt sur Images@arretsurimages·
    dimanche février 23rd, 2020

    La vengeance peut-elle porter un message féministe ? Comment peut-on montrer un viol ? Peut-on le faire sans complaisance ? Genre cinématographique, les films "rape and revenge" sont passés au crible par @RDjoumi et @DChedaleux dans #PostPop.
    https://t.co/EkRMg0py0m

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    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    La sensibilité de Florence doit certes beaucoup à la superbe musique de Kevin Penkin (Made in Abyss, pour rappel), mais surtout à de belles idées traduisant par le gameplay tranches de vie et états émotionnels. Ça se termine en une quarantaine de minutes, donc allez-y gaiement !

    Reply on Twitter 1232598615408959488Retweet on Twitter 12325986154089594881Like on Twitter 123259861540895948810Twitter 1232598615408959488
    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    L'influence écrasante de Firewatch et Shining n'est pas vraiment favorable à The suicide of Rachel Foster, plus prévisible et moins ambiguë dans son écriture qu'il ne semble vouloir l'être. Reste de jolis moments de flippe qui rendent l'aventure appréciable, à défaut de mieux.

    Reply on Twitter 1232580965588967424Retweet on Twitter 12325809655889674242Like on Twitter 12325809655889674242Twitter 1232580965588967424



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