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Dans un recoin de ce monde : Critique du film de Sunao Katabuchi
2 mai 2019

Si vous suivez un peu Anima, vous savez à quel point j’aime les films qui ne me prennent pas par la main, qui prennent le temps de prendre leur temps, qui me font ressentir plus qu’ils ne m’expliquent. Autant dire que lorsque j’ai découvert les premières images du nouveau film de Sunao Katabuchi en 2016 à Annecy, je partais conquis d’avance.

critique Dans un recoin de ce monde

La lecture du manga de Fumiyo Kôno m’a par la suite convaincu de la réussite qu’allait être Dans un recoin de ce monde. Par sa peinture du quotidien sans réelle intrigue, par ses tranches de vie contemplant le monde à l’aune des petits riens qui les ponctuent, on comprend tout de suite que ce récit ait fasciné le réalisateur de Mai Mai Miracle. Toute l’intelligence du cinéaste aura été de faire de son film un complément au matériau d’origine. Car s’il en reprend fidèlement les cases au point de faire parfois passer son adaptation pour une colorisation du manga, ce qu’il confesse d’ailleurs volontiers, il apporte à cet univers sa propre sensibilité. Aux décors éthérés, impressionnistes de la mangaka, Katabuchi répond par une direction artistique voulue réaliste. Une approche qui inscrit ses personnages dans le monde réel, là où le point de vue de l’héroïne contaminait les planches de Fumiyo Kôno. Katabuchi opère par ce biais un travail de commémoration immergeant le spectateur dans un passé méconnu, celui de japonais vivant près de Hiroshima lors de la seconde guerre mondiale. Loin de l’atmosphère oppressante d’un Tombeau des Lucioles auquel il est déjà hâtivement comparé, Dans un Recoin de ce Monde adopte l’optimisme et la légèreté de Suzu, jeune femme insouciante, rêveuse, innocente et surtout artiste. Par ces dessins, elle observe le monde qui l’entoure avec une acuité que Katabuchi se réapproprie de manière quasi documentaire. Et comme elle, il embellit la réalité par son art en posant sur elle un regard nouveau.

critique Dans un recoin de ce monde critique Dans un recoin de ce monde

Cette réalité, c’est celle presque banale du quotidien d’un pays en plein conflit international, cette guerre si proche et si lointaine à la fois. C’est ce que retranscrit le point de vue de Suzu, qui ne semble pas voir les menaces comme telles, toutes reléguées à distance ou transformées par la mise en scène poétique et contemplative de Katabuchi. Les horreurs de la guerre se retrouvent ainsi au second plan, noyées au milieu d’un récit extrêmement dense, immersion dans une vie presque banale faite de travail, de mariage, de moments intimes, d’interrogations ; bref, de tous ces petits moments ordinaires qui font pourtant de nous ce que nous sommes. La structure très elliptique du récit évoque en outre une succession de souvenirs cohérente avec la démarche de Fumiyo Kôno et la volonté de Katabuchi de nous faire croire en l’existence de Suzu et au fait qu’elle soit encore en vie. Riche en humour et en ruptures de ton, Dans un Recoin de ce Monde est d’ailleurs tout sauf une leçon d’histoire froide et pragmatique : c’est avant tout le témoignage d’une chaleur humaine qui aidait à faire face jusqu’aux situations les plus extrêmes.

critique Dans un recoin de ce monde

Que deux millions de spectateurs japonais aient été sensibles à cet humanisme, alors même que Your Name monopolisait le box-office au même moment, est bien une preuve de l’émergence possible d’un cinéma en dehors des sentiers battus. Espérons que le public français finisse par être lui aussi réceptif à cette universalité.

AnimeDans un recoin de ce mondeFestival d'Annecy 2017Sunao katabuchi
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Guillaume Lasvigne
Créateur d'Anima sur YouTube, émission dans laquelle j'aime explorer les rapports entre les thématiques d'une oeuvre et les moyens de les traiter par la mise en scène.

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    Guillaume
    JehrosGuillaume@Jehros·
    jeudi février 27th, 2020

    Après Ori, Dead Cells ou encore Hollow Knight, Children of Morta rejoint la liste de ces titres indé m'ayant procuré les meilleures expériences de jeu ces dernières années. Gros coup de cœur pour ce roguelite aussi beau qu'exaltant.

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    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    J'avais envie de jouir des yeux, du coup j'ai repris Windy Tales.

    4
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    arretsurimagesArrêt sur Images@arretsurimages·
    dimanche février 23rd, 2020

    La vengeance peut-elle porter un message féministe ? Comment peut-on montrer un viol ? Peut-on le faire sans complaisance ? Genre cinématographique, les films "rape and revenge" sont passés au crible par @RDjoumi et @DChedaleux dans #PostPop.
    https://t.co/EkRMg0py0m

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    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    La sensibilité de Florence doit certes beaucoup à la superbe musique de Kevin Penkin (Made in Abyss, pour rappel), mais surtout à de belles idées traduisant par le gameplay tranches de vie et états émotionnels. Ça se termine en une quarantaine de minutes, donc allez-y gaiement !

    Reply on Twitter 1232598615408959488Retweet on Twitter 12325986154089594881Like on Twitter 123259861540895948810Twitter 1232598615408959488
    JehrosGuillaume@Jehros·
    mercredi février 26th, 2020

    L'influence écrasante de Firewatch et Shining n'est pas vraiment favorable à The suicide of Rachel Foster, plus prévisible et moins ambiguë dans son écriture qu'il ne semble vouloir l'être. Reste de jolis moments de flippe qui rendent l'aventure appréciable, à défaut de mieux.

    Reply on Twitter 1232580965588967424Retweet on Twitter 12325809655889674242Like on Twitter 12325809655889674242Twitter 1232580965588967424



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